Claude Mollard à la Maison européenne de la photographie

Arts et Culture - 6 décembre 2017 par Fabrice Sanchez

 Gardez-moi longuement ce visage pour songe

Paul Valéry, « Fragment du Narcisse »

 

La Maison européenne de la photographie, à Paris, accueille jusqu’au 7 janvier 2018 une exposition de photographies de Claude Mollard : « Une anthropologie imaginaire ».

Que photographie Claude Mollard ? Des arbres, des troncs, de grands rochers mangés par les mousses, des pierres anguleuses, des nids. Quand il ne parcourt pas les forêts, il arpente les rues, il prend en photo de vieux journaux, des bouts de polystyrène, une salade, un pneu. C’est encore trop : des cendres, l’eau d’un bassin, quelques lignes de fumée lui suffisent.

Quoi de plus dérisoire ? Pourtant, l’eau se trouble, l’arbre se tord, la salade s’entrouvre, le feu mourant se met à danser : un visage apparaît. Dans les troncs qui s’enlacent, voici une danseuse ; dans les fibres de coco, une princesse ; un sorcier se révèle sous les branches barbues, un vieillard dans les braises, un monstre sur la souche. Ailleurs, c’est encore un singe, des amants, un crocodile, une vouivre, d’autres bêtes et d’autres amis. Certains visages sont des évidences. Parfois, on tourne longuement autour de la pierre et du feu, pour discerner une barbiche ou un coin de sourire.

La Princesse voilée, 2007. © Claude Mollard.

La maladie de Roland Barthes était de « voir le langage ». Celle de Claude Mollard est de scruter le monde pour y voir un visage ; d’examiner les nœuds du bois, les plis d’un foulard ; de guetter l’instant où la source offre un regard. Minutieux, tendre, délirant, l’artiste cherche ce qu’il appelle les « origènes » : des visages immémoriaux, plus vieux que l’homme, apparus avant que la vie n’existe.

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Le travail de Claude Mollard relève à la fois de l’histoire de l’art, de l’imagination et de l’enquête, parfois paranoïaque. Il a donc toute sa place en cours de français.

En classe de 6e, les programmes évoquent « le monstre, aux limites de l’humain » ainsi que les « récits de création ». Les élèves pourraient analyser les œuvres de Claude Mollard lors d’une séquence consacrée aux contes étiologiques ou aux Métamorphoses d’Ovide. Les photographies les aideraient pareillement à imaginer un récit de création ou de métamorphose. Que pouvaient être ces pierres fendues, ces troncs sveltes ou hérissés, avant la colère des dieux ? D’ailleurs, le programme invite les enseignants à évoquer des contes « d’autres pays et cultures ». L’« anthropologie imaginaire » de Claude Mollard aiderait les élèves à concevoir ce qui n’a plus de sens pour nous autres modernes : un monde animé, éveillé, lourd de présences.

Le Chaman barbu, 2009. © Claude Mollard.

Les programmes de 5e demandent d’étudier des épopées, des utopies ou des récits d’anticipation et d’« imaginer des univers nouveaux ». Les bois de Claude Mollard sont remplis de bêtes, de lutins et de fées. On pourrait disposer sur une grande table une douzaine d’œuvres du photographe, demander aux élèves de choisir l’image la plus marquante puis d’écrire un court récit. Un aventurier, une astronaute, un chevalier se risqueraient dans cette forêt étrange et vivante.

Les Esprits des vallons : le lutin chapeau pointu, 2014. © Claude Mollard.

En classe de 4e, les élèves étudient des « fictions pour interroger le réel », et notamment des récits fantastiques. Les œuvres de Claude Mollard évoquent les mondes inquiétants de Lovecraft, de Poe et de Maupassant : les jungles où règnent des dieux oubliés, les landes qui ceignent la « Maison Usher », le manoir de « Bérénice », le château du prince Prospero dans « Le Masque de la Mort rouge », les forêts sinistres de Bretagne. On pourrait étudier conjointement ces contes et ces photographies ou s’en inspirer lors d’un atelier d’écriture de nouvelles fantastiques.

L’Homme naturel de Jean-Jacques, 2007. © Claude Mollard.

Enfin, les programmes de 3e nous proposent d’adopter une « vision poétique du monde » et de croiser les arts. Par ailleurs, le brevet soumet à l’analyse des collégiens un texte littéraire et une image. On pourrait analyser les œuvres de Claude Mollard en regard de poèmes : « Aux arbres » ou « Dans la forêt » de Victor Hugo ; « Poisson » de Paul Eluard ; « Arbre » de Jacques Prévert ; la sixième élégie de Duino ; les « Images à Crusoé » ; « L’herbe », « Feu et cendre », « Les ombelles », un extrait du « Carnet du bois des pins » de Francis Ponge.

« Arbres, roseaux, rochers, tout vit ! », écrit le poète. Un peu fou, un peu artiste, Claude Mollard nous invite à retrouver la jeunesse du monde, quand une vague, une écorce, la moindre feuille invitait au rêve.

Le Clown bleu, 2016. © Claude Mollard.

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