À la rencontre d’une libraire jeunesse

Littérature au collège - 22 février 2017 par Valérie Monfort

« Il y a un livre pour chaque personne. »

 

En ce début de second trimestre, nous sommes allés à la rencontre de Pauline, libraire spécialisée dans le rayon jeunesse, de la librairie l’Usage du Monde dans le 17e arrondissement de Paris. Cette librairie est située à quelques mètres de la porte du collège de ce quartier. C’est l’occasion de s’interroger sur la possibilité de mener des projets avec une librairie de quartier, de réfléchir sur le rapport à la lecture des collégiens et de recueillir quelques précieux conseils de lecture.

Par Valérie Monfort

 

Avez-vous eu l’occasion de mener des projets avec les enseignants du collège voisin ?

« On a organisé avec une enseignante de Lettres du collège un club « des jeunes lecteurs » qui était un moyen de faire entrer les enfants dans la librairie tout en leur faisant vraiment plaisir. Le principe, c’était que je présentais les livres d’un seul auteur, mais plusieurs titres pour plusieurs tranches d’âge de la 6e à la 3e. Les élèves volontaires venaient un samedi matin avec leur enseignante et leurs parents écouter cette présentation et acheter les livres qu’ils avaient envie de découvrir. Puis, deux ou trois semaines après, l’auteur venait à la librairie. Avec l’enseignante, les élèves avaient préparé des questions sur des papiers pour ceux qui n’oseraient pas prendre la parole devant tout le monde. C’était l’occasion de rencontres riches car ils avaient lu les livres avant, et ils étaient très intéressés de voir l’écrivain, de l’écouter parler de son travail, de son écriture. La première fois, comme la librairie venait d’ouvrir, on n’était pas assez connu des éditeurs pour qu’ils déplacent leurs auteurs. L’enseignante avait fait rédiger des lettres aux élèves de sixième et l’auteur avait été particulièrement heureux de cette rencontre.

Il arrive aussi que les élèves aient des bons-cadeaux à dépenser. Dans ce cas, c’est une classe entière qui vient avec son enseignant. J’ai présenté aux enfants une sélection de livres et ils en ont choisi un. C’était une manière de les amener dans la librairie. On leur a présenté le lieu et son fonctionnement. Ce qui compte, c’est aussi le choix de l’enfant. Il y a un mouvement dans le choix d’un livre même au sein d’une sélection. Quand c’est toute la classe qui vient, on voit des enfants qu’on ne rencontre pas autrement. On touche ainsi des familles qui pensent que la librairie est un endroit élitiste, que ce n’est pas leur place, alors qu’il existe un livre pour chaque personne. On explique aussi le prix unique du livre, certains croient que c’est moins cher en grande surface.

C’est vrai que c’est difficile de toucher les enfants. Ceux qui viennent surtout, ce sont les enfants de nos clients. Les collégiens, on les voit beaucoup à la rentrée, pour les prescriptions scolaires, et les cahiers d’activités, ça c’est très impressionnant. Certains restent un peu après leur commande et reviennent. Parfois, quand les enseignants donnent des listes de livres à lire pour les vacances, on peut guider le choix des élèves, c’est chouette car on peut échanger avec eux.

Comment conseillez-vous les jeunes de 11 à 15 ans ?

Le cœur de cible, ce sont les 9/12 ans et, paradoxalement, ce sont les livres qui sont les plus difficiles à trouver. Il y a beaucoup de traductions, plus ou moins bonnes. Je préfère avoir des auteurs français, pour les recevoir et pour éviter des choses interchangeables qui ne sont pas intéressantes. C’est beaucoup de lectures pour peu d’élus. De plus, les petits clients qui viennent à la librairie lisent beaucoup, il faut donc lire sans cesse car si on lit seulement deux ou trois livres par mois, ils les auront lus. Ce qui est vraiment intéressant, c’est de pouvoir les suivre, de les voir grandir, ils ont des goûts très arrêtés dès 7 ans.

Le public difficile à traiter, c’est les ados. C’est difficile car ils sont sollicités par plein de choses. En les rencontrant jeunes, j’espère les garder et les orienter vers la littérature adulte. C’est important, déjà un enfant qui a fait le chemin de venir à la librairie. Il faut que l’on soit à la hauteur, c’est à ce moment-là que ça se décide.

C’est bien que les enfants lisent des classiques à l’école car ils y trouvent quelqu’un qui peut leur expliquer. Il faut les lire là car après, adulte, on n’a pas forcément le courage. Ça donne un bon bagage culturel… mais il y en a qui ont peur. Par rapport à la littérature jeunesse, ça n’a rien à voir. C’est comme quand les petits passent à la lecture sans images, ils se disent « je ne suis pas capable de le faire ». Ils se disent que c’est trop compliqué, qu’ils ne vont pas comprendre, et qu’ils vont s’ennuyer. Et les classiques conseillés ne sont pas toujours adaptés à l’âge. La lecture jeunesse, c’est le plaisir immédiat, on leur donne ce qu’ils veulent. Je préfère leur donner des choses qui leur fassent plaisir, qui stimulent leur imagination et leur réflexion. Une vie de collégien, ça n’est pas facile. Il y a le collège, les parents, les profs et je me dis que s’ils viennent à la librairie, c’est pour avoir un truc qui leur fasse plaisir. Après on peut les lancer vers autre chose. Je trouve ça chouette qu’ils passent du temps avec un livre et qu’ils sachent que ça donne du plaisir.

Est-ce que vous pouvez nous parler des livres que vous conseillez en ce moment à vos jeunes lecteurs ?

Les Incorrigibles Enfants de la famille Ashton, tome 1 : Une étrange rencontre. Je le conseille à partir de la sixième. L’histoire se passe en Angleterre, et a pour personnage principal la jeune Pénélope qui décide de devenir préceptrice au service du domaine très chic de Lord Ashton. Quand elle rencontre ses élèves, elle découvre que ce sont des enfants sauvages qui ont grandi dans la forêt. Elle doit relever le défi de les rendre acceptables pour le très sélect bal de Lady Constance. Ce livre est plein d’humour, il est construit sous forme d’épisodes faciles à livre et ces aventures plaisent beaucoup aux lecteurs de la librairie.

 

Sauveur, Père et Fils de Marie-Aude Murail : C’est un livre que je conseille aux plus grands, aux lecteurs de troisième et même aux adultes car je trouve qu’il raconte des expériences assez difficiles avec finesse et sans langue de bois. Ce roman a pour personnage principal Sauveur, un psychanalyste d’origine antillaise, dont Lazare, le fils de 8 ans, a trouvé le moyen d’espionner les séances. On observe ces séances où se succèdent des adolescents en souffrance essayant d’exprimer leurs difficultés. Ce roman qui s’intéresse aux vertus de la parole entre en résonance avec les problèmes de la société française.

 

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