Justine Wanin Pièce de théâtre contemporain écrite par Suzanne Lebeau, L’Ogrelet (éditions Théâtrales jeunesse, 2003) fait partie des lectures conseillées en cycle 3 par le site Éduscol. La pièce interroge notamment la question de l’altérité ; elle permet de réfléchir à l’acceptation des différences, tout en présentant le parcours initiatique d’un personnage à l’école et les rencontres qu’il y fait.
Ce texte peut être le support d’un travail interdegré, entre CM2 et 6e, ayant pour objectifs de :
– mettre en scène ou en voix un texte de théâtre contemporain, avec des problématiques touchant les programmes des classes de CM2 et de 6e ;
– leur permettre de se familiariser avec les complexités de la mise en scène théâtrale et du jeu dramatique.
L’échange entre les classes de 6e et de CM2 favorisera l’intégration des plus jeunes lors de leur entrée au collège : les élèves du collège accueilleront d’autant mieux leurs camarades à la rentrée d’automne qu’ils les reconnaîtront après les nombreux échanges qu’ils auront eus au cours de ce projet. Ce travail permet aussi de développer une relation avec les parents d’élèves de l’école primaire, puisqu’ils seront accueillis une première fois au collège dans ce cadre culturel.
Les professeurs peuvent convoquer plusieurs disciplines. Le professeur de collège et le professeur des écoles co-animent des cours où ils assurent un enseignement de lettres modernes et de théâtre. Le collègue professeur des écoles peut aussi développer les arts plastiques, dans le cadre des Aides pédagogiques complémentaires, afin de créer les accessoires, éléments de costumes et de décors que les élèves de CM2 pourraient vouloir intégrer dans leur mise en scène.
En CM2
Pendant les premières séances, les élèves de CM2 découvrent les enjeux du texte et du jeu dramatique qui, selon le Dictionnaire de théâtre de Patrice Pavis, « vise à faire prendre conscience des mécanismes fondamentaux du théâtre, à provoquer une certaine libération corporelle et émotive dans le jeu ».
Les élèves lisent la pièce scène après scène, tout en cherchant à la mettre en voix ou à la jouer. L’enseignant s’assure ainsi que les plus faibles lecteurs ont bien saisi les enjeux de chaque passage.
Dans une deuxième phase, les élèves de CM2 envisagent la mise en scène du texte. Ils travaillent la mise en espace, la scénographie, le jeu corporel et le travail de mise en voix. Ils chercheront ainsi des solutions pour représenter les personnages et distribuer les rôles. Cette réflexion sur la mise en scène permet également de renforcer l’égalité filles-garçons : la classe peut choisir d’adapter certains passages en transformant l’Ogrelet en Ogrelette, la mère en père. Une fois les rôles répartis, les élèves pourront assurer le travail de mémorisation des textes.
La lecture analytique de la pièce est davantage développée par le professeur des écoles selon le niveau des élèves.
En 6e
Les élèves lisent d’abord la pièce en lecture cursive, avec leur professeur de lettres modernes. Cette phase permet d’envisager les premières attentes des élèves concernant la mise en scène ou en voix de la pièce.
Puis les 6e assistent à la présentation du travail des élèves de CM2, qui a lieu au collège. Ils peuvent ainsi discuter des choix de mise en scène et/ou de mise en voix des CM2. Ils leur posent également des questions, préparées à l’avance avec le professeur de lettres modernes. La discussion permet de créer une relation entre pairs et de favoriser l’échange entre les élèves. Ce débat est assuré en co-intervention par les deux classes et leurs enseignants.
Une présentation finale peut être envisagée au collège : ce sera l’occasion d’inviter les parents d’élèves de CM2, pour une première venue au collège placée sous le signe de la convivialité et du partage culturel.
Selon les budgets, un partenariat avec la médiathèque du quartier peut être mis en place pour participer financièrement à l’achat des livres lus par les deux classes. La médiathèque se révèle un partenaire formidable pour nourrir la réflexion dramaturgique des élèves. En effet, elle les incitera à lire d’autres livres sur les mêmes thèmes : altérité et acceptation de la différence, parcours initiatiques, relations familiales… La médiathèque pourra aider les professeurs à organiser des échanges entre les classes de CM2 et 6e autour de ces thèmes. Lectures et débats permettront de nourrir la réflexion des CM2 concernant leur interprétation, comme dans tous les projets théâtraux professionnels, et inviteront les deux classes à une pratique réfléchie et mûrie de la prise de parole en public.
Selon les budgets, il serait judicieux de prévoir une sortie au théâtre pour les CM2 et les 6e, sur le temps scolaire. Cela leur permettrait de s’interroger sur la réception du spectacle vu et sur les conditions d’une représentation réussie, ainsi que d’approfondir leur connaissance du théâtre contemporain. Une telle sortie développerait une école du spectateur commune ; non seulement elle nourrirait la réflexion sur l’interprétation et la mise en scène pour les CM2, mais elle encouragerait aussi la construction d’un langage critique pour les deux classes. Les élèves de 6e seraient ainsi incités à employer des termes très respectueux et réfléchis lors de leurs remarques sur la présentation des CM2.
Par ailleurs, le professeur des écoles peut imaginer des éléments de communication permettant aux élèves de travailler l’écrit (rédaction et mise en page d’un programme et/ou des invitations par exemple). Selon le temps dont disposent les deux professeurs, cette partie peut également être menée en co-intervention avec le professeur de lettres modernes du collège.
Les deux classes peuvent inscrire la lecture dans la pièce dans un journal du lecteur avec des dessins, questions, indications des scènes préférées, ou des passages dont l’interprétation est plus obscure. Ils peuvent réaliser une affiche présentant la pièce pour la médiathèque et le CDI, afin d’inciter d’autres enfants à découvrir cette pièce de théâtre contemporain de qualité.
Une telle collaboration interdegré permet de renforcer l’animation des réseaux et de favoriser les échanges sur les pratiques pédagogiques entre le primaire et le secondaire. Le choix de la pièce participe à la formation d’un citoyen sensible à l’altérité et permet une ouverture culturelle. Le projet en lui-même conforte une école bienveillante et exigeante, sensible à l’égalité filles-garçons. Tout en coopérant avec les partenaires culturels proches pour développer des pratiques de lecteurs et de spectateurs autonomes, l’école et le collège entretiennent un lien avec les parents, pour la réussite scolaire de tous. La première entrée au collège est aussi dédramatisée : après ces nombreux échanges, les élèves de CM2 et leurs parents seront en terrain connu lors de la rentrée de septembre. Histoire de ne pas reproduire les angoisses de l’Ogrelet entrant à l’école.