L’initiation artistique en cours de français accorde une place importante aux arts plastiques et au cinéma, mais il est rare de proposer un travail sur la musique en liaison avec l’étude des textes. On ne s’y risque souvent que par le biais de la chanson en fonction des thématiques retenues, par exemple le lyrisme en classe de 4e ou la chanson engagée en 3e. Pourtant, la musique peut aider à lire et à comprendre les textes.
Par Martine Rodde, Professeure de Lettres classiques
La littérature est en ses commencements indissociable de la musique, que l’on pense aux épopées antiques ou à la poésie médiévale entièrement chantée. Et plus tard, les musiciens vont chercher les textes littéraires pour s’en inspirer, par exemple lorsqu’ils mettent en musique des poèmes (comme Debussy, Ravel ou Fauré qui ont repris les textes de Verlaine).
Les associations et collaborations directes ou indirectes entre littérateurs et musiciens sont constantes au cours des siècles, que l’on pense à Lamartine et Liszt dans ses Harmonies poétiques et religieuses pour le piano, à Cocteau et Satie dans la création de ballets, à Dumas et Verdi dans La Traviata, ou aujourd’hui à Kaija Saariaho qui s’inspire du poète médiéval Jaufré Rudel pour écrire avec Amin Maalouf son opéra L’Amour de loin en l’an 2000. Il est donc intéressant et enrichissant de faire un peu découvrir au collège de telles correspondances entre les arts, car la musique éclaire la lecture de l’œuvre littéraire.
Or les nouveaux programmes des cycles 3 et 4 invitent à travailler les textes avec un appui musical, par exemple en suggérant d’associer au thème des monstres en 6e le grand genre complexe de l’opéra. S’il peut se réjouir de voir élargir à la musique le champ de l’histoire des arts, le professeur peut aussi souvent se sentir peu formé pour approcher le sujet en dehors de la chanson. Pourtant cela est possible, d’autant que de plus en plus d’élèves ont une formation musicale ; les initiatives pour faire découvrir la musique classique aux élèves de tous les milieux sont nombreuses et couronnées de francs succès, pensons à des formations comme « 10 mois d’école et d’opéra » organisées par l’Opéra de Paris, ou à des orchestres comme Démos.
Comment alors tenter d’associer avec succès et simplicité la musique à la découverte de la littérature au collège pour montrer les liens qui les unissent ? Il nous semble possible de proposer des activités simples essentiellement fondées sur l’écoute et le commentaire, qui peuvent être découvertes dans un parcours interdisciplinaire associant les cours de français et d’éducation musicale, mais qui peuvent aussi ne concerner que le cours de français.
Ce peut être en 6e d’associer à la lecture du conte d’Hansel et Gretel l’opéra d’Humperdinck du même nom, écrit pour les enfants à la fin du xixe siècle. On en trouve aisément des vidéos ou des images de mise en scène en ligne. On peut alors faire écouter un court extrait, centré sur le personnage de la sorcière, voir les effets recherchés par le musicien, observer les phénomènes de transposition et quelques éléments simples qui aident à découvrir les notions de complémentarité entre les arts et les différents langages artistiques.
Ou encore après avoir lu dans le chant XII de l’Odyssée, l’épisode des Sirènes, on peut voir comment le mythe a évolué et continue à susciter l’imaginaire, en écoutant en pièce orchestrale un extrait de Sirènes de Debussy ou en pièce vocale la voix merveilleuse de Rusalka de Dvorak dans la célèbre Chanson à la Lune.
En 5e, on associera facilement musique et littérature en faisant entendre une chanson de troubadour ou de trouvère sur le sentiment amoureux pour rendre plus sensible l’idéal courtois, ou un extrait de L’Amour de loin.
En 4e, l’étude du discours amoureux (Dire l’amour) peut être associée à l’écoute de chansons ou à l’expression du sentiment amoureux si fréquemment traité dans le chant lyrique. En faisant par exemple, écouter des airs de Carmen, on fait découvrir le genre de l’opéra et on montre comment le chant exalte les sentiments exprimés avec plus de retenue dans la nouvelle de Mérimée. On peut aussi en liaison avec l’étude de la presse, faire découvrir la chanson satirique et les chansonniers.
En 3e, on rend plus émouvants et plus perceptibles les tourments de la guerre et les souffrances qui traversent le xxe siècle et dont témoignent les textes d’un Céline ou d’un Camus, en faisant entendre par exemple une des œuvres de Lili Boulanger comme D’un soir triste, écrit l’année de sa mort en 1918, ou un court extrait d’une symphonie de guerre de Chostakovitch. On peut alors faire écouter, réagir, et sans analyse approfondie faire reconnaître les instruments, ou une voix ; on peut proposer des recherches personnelles qui prolongent la découverte en classe, et signaler d’autres possibilités d’écoute.
On met ainsi en place des connaissances en histoire des arts et on élargit aisément l’univers artistique des collégiens, en développant leur sensibilité tout en favorisant la compréhension des textes étudiés.