E. Leterrier Par E. Leterrier
Il est exceptionnel que les nouveaux programmes de collège imposent un genre particulier dans les objets d’étude à traiter en classe ; en règle générale, c’est au professeur de choisir la manière dont il va intégrer un relatif équilibre entre les genres au sein du cours. Ainsi, la programmation théâtrale de l’année scolaire 2016-2017 peut fournir l’occasion, par rapport aux questions du programme, d’opérer librement certains échos, d’illustrer parfois par l’expérience du spectacle vivant quelques textes étudiés en classe, en emmenant les élèves de tous niveaux voir des spectacles.
Tour d’horizon…
Pour les élèves de sixième
Les plus jeunes collégiens seront sensibles à une partie de la programmation de la saison consacrée aux contes, qu’il s’agisse de contes traditionnels ou plus contemporains, d’adaptation ou non.
L’Oiseau vert de Carlo Gozzi, dans une mise en scène de Laurent Pelly, sera visible dès novembre 2016 à Toulouse ou en décembre à Villeurbanne, tandis que le conte des frères Grimm La Jeune Fille, le Diable et le Moulin, adapté par Olivier Py, sera en tournée dans une partie de la France.
À Nice, Pinocchio sera visible en avril 2017 dans une version de Thomas Bellorini, suivi par La grenouille avait raison de James Thierrée (juin 2017) : deux contes mettant en scène des personnages de rusés et de naïfs.
Sur cette question, en écho au manuel, le Quai d’Angers (Centre dramatique national) offrira une reprise de la production de L’Histoire du soldat d’Igor Stravinsky. Ce petit mimodrame d’inspiration faustienne, où un soldat et le diable rivalisent de ruse et de masques, est tout à fait adapté pour des classes de jeunes collégiens.
L’Héritier de village de Marivaux, mis en scène par Sandrine Anglade, sera joué à Versailles en janvier 2017 puis au théâtre national de Bordeaux en février, avant d’effectuer une tournée dans de nombreux théâtres.
Au Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne, Le Roman de Renart en novembre 2016 puis Le Menteur de Corneille (dont certains passages parodient le Cid) en avril 2017 campent des figures répondant parfaitement aux attentes de l’objet d’étude.
Citons enfin Les Fourberies de Scapin à la Comédie de Saint-Étienne en janvier 2017, dans une mise en scène de Marc Paquien.
Pour les élèves de cinquième
Plus que tout autre genre, le théâtre a pour tâche de mettre en scène et de questionner les problématiques liées à l’organisation du groupe social, familial ou amical. À ce titre, l’offre susceptible d’intéresser les élèves de cinquième est très vaste.
Le rapport familial est abondamment traité au théâtre (Oncle Vania d’Anton Tchekhov à la Comédie-Française en novembre 2016 ; Fratries au Théâtre jeune public de Strasbourg en février 2017) mais aussi, encore pour des sixième, la question de la ruse face à l’adversité, mise en scène dans Poil de carotte, une adaptation du roman de Jules Renard par Silvia Costa qui se jouera dans toute la région parisienne durant l’automne-hiver 2016-2017.
Le groupe et ses normes sont aussi évidemment le thème de nombreuses pièces de Molière, toujours très présent au répertoire. Le Misanthrope de Clément Hervieu-Léger occupera la salle Richelieu de la Comédie-Française entre décembre 2016 et mars 2017 ; L’Avare, mis en scène par Ludovic Lagarde, sera à Rennes en décembre 2016 puis au théâtre de l’Union à Limoges en mars 2017. Le Bourgeois gentilhomme, mis en scène par Denis Podalydès, sera en tournée en France entre janvier et février 2017. Trissotin ou Les Femmes savantes est repris dans la mise en scène de Macha Makeïeff au théâtre de la Criée à Marseille dès septembre-octobre 2016, mais aussi (notamment) au Théâtre des Quartiers d’Ivry en avril 2017. Enfin, on pourra voir Tartuffe, dans une mise en scène d’Éric Massé, à la Comédie de Valence. La question des rapports entre l’individu et le groupe, qui peut à la fois intéresser les élèves de cinquième et de quatrième, est poussée à son paroxysme dans des spectacles mettant en scène différences et discriminations.
La Fabrique, à Valence, présentera plusieurs spectacles abordant les thèmes de la construction du genre (Mon frère, ma princesse de Catherine Zambon), du handicap (Les mots qu’on ne me dit pas de Véronique Poulain) ou encore des dangers liés aux réseaux sociaux (Cross, ou la fureur de vivre de Julie Rossello-Rochet). Ces spectacles seront aussi en tournée dans d’autres théâtres.
Au théâtre de la Criée à Marseille, Bigre est un spectacle muet et plein d’humour qui met en scène les vies parallèles et les rapports de voisinage.
Enfin, La Part du colibri, jolie fable écologiste d’après des textes de Pierre Rabhi, Françoise du Chaxel et Stéphane Jaubertie, permettra d’offrir un contrepoint scénique à l’interrogation touchant, en classe de cinquième, les rapports de l’homme et de la nature (par exemple, au Théâtre national de Bordeaux en mars 2017).
Pour les élèves de quatrième
La confrontation des valeurs entre l’individuel et le collectif, objet d’étude des classes de quatrième, trouve de nombreux spectacles qui lui font écho.
Outre ceux qui ont été cités auparavant, Art de Yasmina Reza sera visible en mai 2017 au théâtre de Lorient.
Les textes présents dans les nouveaux manuels Passeurs de textes pourront trouver un écho particulièrement réussi dans la production d’Yves Beaunesne du Cid au Théâtre national de Bordeaux, à celui de Poitiers en janvier 2017 ou au TNP de Villeurbanne en mars.
Au théâtre du Nord à Lille en novembre 2016 puis au théâtre de la Criée à Marseille en janvier 2017, la pièce Dans le nom de Tiphaine Raffier met en scène les vieilles croyances sur la sorcellerie dans les campagnes et s’inscrit dans une réflexion sur la confrontation des valeurs et les rationalités divergentes sur fond de transformation du monde rural contemporain.
Pour les élèves de troisième
Pour les adolescents, le théâtre doit susciter une réflexion sur l’action dans la cité et la notion d’engagement. C’est ce thème qu’a choisi de porter haut Wajdi Mouawad – directeur, depuis avril 2016, du Théâtre de la Colline à Paris –, en insistant sur la nature politique de l’écriture et la place fondamentale qu’elle peut avoir dans la vie publique. La saison 2016-2017 devrait faire la part belle à cette thématique.
Au TNP de Villeurbanne, Christian Schiaretti met en scène, quant à lui, les mythes grecs d’Antigone et d’Électre, dans une version contemporaine de Jean-Pierre Siméon.
En avril et mai 2017, au Théâtre national de Bretagne à Rennes, État de siège d’Albert Camus pose la question du rapport entre l’individu et le pouvoir, dans une mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota.
Les classes les plus aguerries de région parisienne pourront suivre la réflexion sur les révolutions que propose Joël Pommerat dans Ça ira (attention, le spectacle dure 4 h 30) ou celle d’Olivier Letellier dans Je ne veux plus et Me Taire, un travail théâtral portant sur la notion d’engagement que le metteur en scène situe dans le Brésil contemporain.
La façon dont le théâtre représente notre société et met en scène l’action au sein de celle-ci suggère aussi, évidemment, certaines pièces de répertoire, toujours présentes à l’affiche : Lorenzaccio à Bordeaux, dans une mise en scène de la directrice du théâtre, Catherine Marnas, puis en janvier 2017 à Lorient.
Enfin, la pièce Les affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau, par Claudia Stavisky, qui met en scène à la fois la différence des valeurs et celle d’un ordre social éminemment contestable, sera jouée à la Comédie de Saint-Étienne en janvier 2017.
De nombreux théâtres, à Paris comme en régions, dédient une partie de leur programmation spécifiquement au jeune public. Les collégiens sont particulièrement concernés par ces initiatives, et il ne faut pas hésiter à contacter les équipes dédiées des différents théâtres. Deux centres dramatiques nationaux, le théâtre Nouvelle Génération de Lyon (dont le programme est disponible sur le site tng-lyon.fr) et le Théâtre Jeune public de Strasbourg (tjp-strasbourg.com) offrent de très nombreux spectacles cette saison.