Le théâtre, par ses thèmes, son esthétique propre, permet de traiter les problématiques du programme de façon mémorable puisqu’il mobilise toute la classe autour d’un moment particulier. Préparation de la sortie, retour et travaux effectués sur le spectacle peuvent ainsi fournir le support d’un questionnement du programme, ou un texte-écho susceptible d’enrichir la réflexion. La programmation théâtrale de l’année scolaire 2017-2018 permet souvent d’illustrer par l’expérience du spectacle vivant quelques textes étudiés en classe.
- Pour les élèves de sixième
Questionner le mythe, observer au théâtre comment le conte se métamorphose ou se transforme dans des formes et selon des enjeux contemporains tout en restant fidèle à lui-même : c’est ce que proposent de nombreux spectacles, qu’il s’agisse de contes traditionnels ou plus contemporains, d’adaptation ou non.
Plusieurs mythes intemporels sont mis en scène lors de la saison prochaine à l’instar de la version pour jeune public du mythe de Faust (Le chat n’a que faire des souris mortes, au TGP de Saint-Denis, en novembre 2017, ou au Théâtre de Gennevilliers, en mai 2018), ou de celui de Don Quichotte, actualisé grâce à Dans la peau de Don Quichotte, création de La cordonnerie, en janvier-février 2018. Outre ces mythes, différents spectacles s’inspirent de contes, parfaitement adaptés pour les collégiens, comme l’histoire du petit chaperon rouge dont deux versions seront visibles : Au bois de Claudine Galéa, (mi-mars 2018 au TNS de Strasbourg) une version contemporaine et optimiste du célèbre conte ou bien le spectacle intitulé J’ai peur quand la nuit tombe, d’Edith Amsellem, une proposition scénique en plein air qui explore le contenu latent, violent du conte dans une version à observer sous forme de déambulation (mai 2018, par exemple au théâtre de la Criée de Marseille).
Les collégiens verront ainsi, dans ces versions scéniques, les éléments constants et les versions détournées, comme dans le Hansel et Gretel réalisé et mis en scène par Samuel Hercule et Métilde Weyergans au Théâtre d’Aubervilliers début février 2018 qui inverse le sens du conte en imaginant deux héros vieillis dans un monde où vieillesse rime avec vulnérabilité. Citons aussi Princesse K, de Denis Athimon, conte cruel, en mai 2018 au TGP Saint-Denis, et Yvonne, princesse de Bourgogne, spectacle plus adapté aux grands collégiens, à la Criée de Marseille, dans un dispositif qui joue pleinement la carte de la cruauté enfantine en distribuant dans le rôle-titre une comédienne différente chaque soir qui apprendra au dernier moment la pièce dans laquelle elle joue.
Au Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne, Le Roman de Renart sera à nouveau présenté en novembre 2017 en parallèle avec La Chanson de Roland dans une mise en scène pour tous publics, avant Tristan et Yseult, fin novembre 2017 : une programmation qui fait donc la part belle aux répertoires légendaires.
- Pour les élèves de cinquième
Plus que tout autre genre, le théâtre a pour tâche de mettre en scène et de questionner les problématiques liées à l’organisation du groupe social, familial ou amical. À ce titre, l’offre susceptible d’intéresser les élèves de cinquième est très vaste.
Il faut signaler d’abord la reprise de 1789, spectacle culte d’Ariane Mnouchkine, au TGP de Saint-Denis, en octobre 2018, qui n’a rien perdu de sa modernité scénographique. Pièce sur la fondation de la société française, elle est aussi une pièce fondatrice de la mise en scène contemporaine.
Plus classiquement, les questions liées aux rapports familiaux, largement illustrés au théâtre, seront à l’honneur sur bien des scènes : dans L’autre fille, Annie Ernaux plonge dans les valeurs familiales d’un milieu modeste qui est celui de sa famille. Le spectacle, dans une mise en scène de Cécile Backès, sera en tournée dans toute la région de Béthune entre mi-novembre et fin février 2018. Frères, relate l’histoire familiale d’une fratrie d’origine espagnole à travers la guerre d’Espagne, l’exil et la Seconde Guerre mondiale, interroge la notion d’héritage, le tout dépeint avec un humour tendre… et des ustensiles de cuisine ! (notamment au Théâtre de la Criée, Marseille, mi-mai 2018), tandis que La nuit où le jour s’est levé relate le parcours d’une adoption rocambolesque, le 5 décembre 2017, au théâtre de Sartrouville. Dans ces mêmes murs, le spectacle d’Olivier Balazuc L’Imparfait, également en tournée dans une grande partie de l’hexagone, analyse la façon dont parents et enfants grandissent et se développent ensemble. À la Comédie de Béthune, J’appelle mes frères de Jonas Hassen Khemiri interroge la place d’un jeune homme issu de l’immigration dans une ville après des attentats (mi-janvier) tandis qu’À la trace, spectacle mis en scène par Anne Théron, soulève la question de la filiation à travers trois générations de femmes.
Les problématiques au programme de cinquième font aussi la part belle aux questions liées à l’exclusion. Tandis que Les Misérables, de Cécile Backès à nouveau, sera joué début décembre au TNP de Villeurbanne et rend ainsi hommage à l’humanisme social de Victor Hugo, Marie-José Malis poursuit son exploration de l’œuvre de Pirandello avec Vêtir ceux qui sont nus, une pièce permettant d’aborder les rapports entre théâtre, vérité et exclusion sociale. La question se trouve aussi présente, brûlante, dans Je suis d’ailleurs et d’ici de Violaine Schwartz, une pièce de théâtre documentaire qui s’attache à faire entendre sur scène des migrants dont elle a recueilli la parole (à Besançon le 17 novembre 2017). Place de la femme, de la religion, rôle de l’engagement. Flammes, d’Ahmed Madani, donne la parole à une série de personnages féminins qui s’affirment comme les actrices de leur propre vie et refusent tout ce qui s’exerce contre leur liberté (vers le mois d’octobre 2017, en région parisienne).
Le groupe et ses normes, le théâtre s’en empare aussi chez les collégiens lorsqu’il met en scène… le collège, justement. We just wanted you to love us, texte de Magali Mougel sur une mise en scène de Philippe Baronnet recompose l’espace sensible de l’adolescence et des années de collège (janvier et mi-mars 2018, au théâtre de Sartrouville). Mon prof est un troll de Dennis Kelly dans une mise en scène de Baptiste Guiton, au TNP de Villeurbanne, fin janvier 2018) confronte le regard de deux enfants turbulents sur le monde réel dont ils découvrent progressivement la violence et la complexité. À la Comédie de Caen, Dormir cent ans de Pauline Bureau évoque les pensées et les rêves de deux adolescents entre réel et imaginaire (octobre 2017).
Le groupe et ses normes sont aussi évidemment le thème de nombreuses pièces de Molière, toujours très présent au répertoire. Le Misanthrope de Louise Vignaud occupera le TNP de Villeurbanne entre janvier et mi-février 2018, Georges Dandin ou le mari confondu sera au CDN Besançon dans une mise en scène de Jean-Pierre Vincent en mai 2018… citons aussi, plus rarement montée, la comédie ballet, Monsieur de Pourceaugnac, dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger qui sera visible notamment dans l’ouest de la France début 2018… parmi de très nombreuses autres productions du grand Poquelin.
- Pour les élèves de quatrième
La confrontation des valeurs entre l’individuel et le collectif, problématique au programme des classes de quatrième, trouve de nombreux spectacles qui lui font écho.
Tiphaine Raffier, jeune auteure de théâtre, crée au cours de la saison 2017-2018 une pièce sur les enjeux métaphysiques et sociaux des rapports entre numérique et vivant dans un texte aux prémisses simples : que se passerait-il si l’on pouvait numériser la mémoire, c’est-à-dire numériser nos identités, nos souvenirs, et nous transplanter de corps en corps, ainsi devenus immortels. Le spectacle est joué début février 2018 au TGP de Saint-Denis, ainsi qu’au théâtre de la Criée, à Marseille, et interroge finalement la notion d’individualité.
La question de l’altérité, au contraire, habite Le chant de l’oiseau amphibie, création de Wajdi Mouawad pour le Théâtre de la Colline jouée ensuite en février-mars 2018 au TNP de Villeurbanne. L’histoire, complexe, illustre sous des éclairages multiples la figure de l’Autre qu’il soit Arabe, Juif, Chrétien, Européen Américain ou Africain pour faire ressentir autant de versions tout aussi légitimes de subjectivités différentes et parfois opposées. Cette leçon de tolérance n’est nullement neuve : elle se trouve déjà en germe dans le Nathan le sage de Lessing, chef-d’œuvre des Lumières allemandes dont une version est présentée début novembre au TNS de Strasbourg dans une mise en scène de Nicolas Stemann.
Le théâtre questionne les idéaux d’hier et d’aujourd’hui, souvent dans des pièces documentaires qui s’adressent aux adolescents eux-mêmes. Le thème fera aussi l’objet de plusieurs spectacles : Le Monde dans un instant, mis en scène de Gaëlle Hermant, une interrogation sur notre rapport au bonheur et nos engagements amoureux, politiques (au TGP de Saint-Denis, février 2018, puis à la Criée de Marseille en mars), Club 27, évocation des vies rebelles des artistes rock décédés à 27 ans (Janis Joplin, Kurt Cobain, Jimi Hendrix, etc.) ou Adolescence et territoire (s), spectacle créé avec des adolescents en juin 2018 dans une mise en scène de Clémentine Baert. Enfin Gâchette du bonheur, spectacle d’Ana Borralho et Joao Galante, revendique un théâtre documentaire qui passe par des ateliers et des comédiens amateurs pour construire une réflexion sur ce que signifie aujourd’hui le bonheur et sera joué au Nouveau théâtre de Montreuil en janvier 2018 après Marseille à la Criée, en octobre 2017.
- Pour les élèves de troisième
Pour les adolescents, le théâtre doit susciter une réflexion sur l’action dans la cité et la notion d’engagement. Cette question, consubstantielle au théâtre depuis l’Antiquité, le slameur D’ de Kabal et le metteur en scène Arnaud Churin l’illustreront dans une très stimulante reprise hip-hop de L’Orestie d’Eschyle, à la MC93, visant à retrouver dans la scansion moderne et le caractère collectif d’un art de rue les sensations de la parole antique. Orestie, opéra hip-hop sera joué à Bobigny début mars 2018 avant une tournée au printemps. Le jeu de l’amour et du hasard, dans une mise en scène de Benoit Lambert, est une réflexion en mouvement et pleine de grâce qui touche aussi aux formes de l’organisation sociale et aux rapports de domination. Le spectacle sera joué notamment à Dijon durant une grande partie du mois d’octobre 2017 avant une tournée. Plus contemporains, Que ferez-vous de mon profil Facebook quand je serai morte ? est un spectacle de danse d’Amélie Poirier qui interroge avec humour le rapport entre individu et collectivité (mi-mars, à Béthune et sa région) et Mon Fric, de David Lescot l’un des auteurs contemporains les plus connus, qui s’intéresse à l’obsession contemporaine pour l’argent roi.
Joué au Festival d’Avignon 2016, le spectacle de Maëlle Poésy intitulé Ceux qui errent ne se trompent pas fait aussi le pari d’interroger la notion d’engagement citoyen : un jour, au lendemain d’élections importantes, le vote blanc l’emporte. Stupeur générale, que signifie ce scrutin inédit ? La pièce sera visible début novembre au théâtre Dijon-Bourgogne, à Gap et Antibes en novembre 2017, à Trappes en janvier 2018. Les classes les plus aguerries de région parisienne pourront suivre la réflexion sur les révolutions que propose Joël Pommerat dans Ça ira (attention, le spectacle dure 4 h 30) ou celle d’Olivier Letellier dans Je ne veux plus et Me Taire, un travail théâtral portant sur la notion d’engagement que le metteur en scène situe dans le Brésil contemporain.
De nombreux théâtres, à Paris comme en régions, dédient une partie de leur programmation spécifiquement au jeune public. Les collégiens sont particulièrement concernés par ces initiatives, et il ne faut pas hésiter à contacter les équipes dédiées des différents théâtres. Deux centres dramatiques nationaux, le théâtre Nouvelle Génération de Lyon (dont le programme est disponible sur le site tng-lyon.fr) et le Théâtre Jeune public de Strasbourg (tjp-strasbourg.com) offrent de très nombreux spectacles cette saison.