Le programme de 4e consacre une partie importante de l’année à la construction de l’information. On ne peut que se réjouir que les nouveaux programmes fassent de l’éducation aux médias un enjeu important dans la formation des futurs citoyens, à une époque où beaucoup de nos élèves sont confrontés à deux écueils :
- croire tout ce que les médias racontent, sans aucune distance critique ;
- ne rien croire de la part des médias, dans une attitude de défiance qui les conduit parfois à chercher des sources d’information beaucoup moins fiables, nourrissant certaines théories du complot dont nos élèves sont friands (ce qui nous fait sourire lorsqu’il s’agit des Illuminati, moins lorsqu’on nous parle du complot juif ou qu’on remet en cause les événements du 11 septembre 2001…).
Par Adrien David
Un rituel de classe, que l’on peut transposer à tous les niveaux en l’adaptant, permet aux élèves de former leur rapport à l’information : la revue de presse hebdomadaire.
Son premier intérêt est de ne pas limiter l’étude des médias à un seul moment dans l’année (bien souvent lors de la semaine de la presse). Si le programme de 4e nous contraint à consacrer au moins une séquence à cet objet d’étude, nous ne pouvons nous satisfaire de fermer ce dossier après l’évaluation finale, en croyant naïvement que les élèves continueront à s’informer de manière autonome une fois cette séquence achevée. La revue de presse permet un travail au long cours beaucoup plus profitable.
Quelle mise en œuvre adopter ?
Dès le début de l’année, on leur explique le déroulement de cet exercice, qui deviendra vite un véritable rituel. Chaque semaine, un élève, désigné à l’avance (un planning annuel peut être distribué), choisira deux sujets qui ont marqué l’actualité de la semaine précédente. Il devra choisir ceux qui lui semblent les plus intéressants, et justifier son choix de manière argumentée. Il devra expliquer ce choix à l’oral, en cinq minutes, en présentant pour chaque sujet au moins deux sources différentes, défendant si possible des points de vue différents dont il faudra rendre compte.
Dans un second temps, on demandera à la classe de réagir, en réfléchissant à plusieurs axes :
- l’oral était-il clair, bien mené ?
- l’argumentation était-elle convaincante ?
- le choix des deux actualités était-il pertinent ?
- les sources étaient-elles fiables ? l’élève a-t-il fait preuve d’esprit critique en les comparant ?
- y avait-il d’autres éléments importants à dire à propos de ces actualités, que l’élève aurait oubliés ?
- aurait-on pu choisir des actualités plus importantes ?
Cette reprise collective ne doit pas durer plus de cinq minutes.
Quels sont les bénéfices de cette activité ?
Le bénéfice culturel est immense pour de nombreux élèves qui n’ont pas d’accès aisé à l’information chez eux. Les compétences travaillées sont très variées : production d’un oral, écoute et réaction, argumentation, lecture d’articles, synthèse…
Le rythme hebdomadaire transforme cette activité en rituel très attendu par les élèves, qui le réclament si par malheur une séance saute à cause d’un contrôle ou d’une sortie… Ce rituel canalise l’attention de la classe très facilement, permettant ensuite d’entrer dans le cours de français avec plus de sérénité.
Cette activité permet aussi d’introduire dans la classe des problématiques rarement abordées, auxquelles les élèves ne trouvent pas de réponse par eux-mêmes ou auprès de leur famille.
Ainsi, lors des attentats de 2015, cette revue de presse a-t-elle offert à mes élèves un espace de parole ritualisée qui a permis de répondre à leurs questions et à leurs angoisses, dans un cadre rassurant car routinier. Évidemment, l’exercice a duré plus de dix minutes lors de ces événements, mais puisqu’il était codifié, la parole et l’écoute furent fécondes. De plus, les élèves ont pu continuer à parler de ces événements lors des revues de presse suivantes, et c’est l’un des intérêts importants de ce rituel : le travail dans la durée permet de traiter une actualité sous différents angles, de tisser des liens entre les sujets choisis, et de mettre en perspective ce qui a pu être expliqué les semaines précédentes ; la crise des migrants ou les manifestations contre la loi sur le travail sont par exemple revenues fréquemment dans les revues de presse de mes élèves en 2015-2016.
Le bénéfice pour les élèves est donc très grand, mais l’investissement en travail pour le professeur est au contraire minime, puisqu’il ne demande pas vraiment de préparation (en revanche, mieux vaut mener soi-même la première revue de presse pour montrer un modèle aux élèves). Faites l’essai et dites-nous dans les commentaires si cela a fonctionné…