Les 20 mots clés de la réforme – Article 2

Nouveau programme - 6 avril 2016 par Alexandre Winkler

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Nous poursuivons dans cet article notre exploration des mots-clés de la réforme avec « entrées », « interaction » et « littératures ».

Par Alexandre Winkler, de l’académie de Grenoble

 

 

AP – Attendus – Autonomie – Compétences – Compréhension – Culture – Cycles – EPI – Entrées – Interactions – Littératures – Mémorisation – Normes – Oral – Orthographe – Parcours – Posture – Progressivité – Projet – Thématiques

 

ENTRÉES

Les artisans du nouveau programme de français ont œuvré dans une logique de continuité, sauf sur un point : la manière d’appréhender les textes littéraires. L’approche « par genres » sur laquelle reposaient les anciens objets d’étude est en effet caduque ; s’y substitue désormais une approche « par entrées » – chacune correspondant à une réflexion embrassant à la fois le champ littéraire et le champ anthropologique.

L’étude du texte n’illustre donc plus seulement une catégorie littéraire, elle donne accès à des problématiques plus vastes, interrogeant l’individu sur son rapport à lui-même, à autrui et au monde.

Les entrées proprement dites sont au nombre de quatre, spécifiques à chaque cycle :

– en 6e : « Le monstre, aux limites de l’humain », « Récits d’aventure », « Récits de création, création poétique », « Résister au plus fort : ruses, mensonges et masques » ;

– en 5e, 4e et 3e : « Se chercher, se construire », « Vivre en société, participer à la société », « Regarder le monde, inventer des mondes », « Agir sur le monde ».

Si, en 6e, le système se présente sous une forme assez simple, le cycle 4 prévoit une déclinaison de chaque entrée selon les niveaux. Par ailleurs, un « questionnement complémentaire » constitue une cinquième entrée, plus souple, que chaque professeur peut utiliser à sa guise.

Cette présentation succincte appelle quelques précisions :

– tout d’abord, l’abandon de l’entrée « par genres » ne signifie pas que l’étude des genres doit, elle aussi, être abandonnée ; simplement, ceux-ci ne constituent plus un objectif d’apprentissage en soi ;

– par ailleurs, les entrées structurent une progression aussi bien littéraire qu’artistique ; autrement dit, en même temps qu’une ouverture sur d’autres champs de réflexion, une articulation forte avec les autres arts est recherchée – c’est une manière de rappeler que l’histoire des arts continue d’offrir un précieux point d’appui ;

– enfin, le contenu de ces entrées fera l’objet d’une concertation locale, à l’intérieur de l’équipe des lettres. En effet, le programme ne donnant plus de repères bibliographiques précis, les professeurs mettront en avant certains titres, auteurs ou genres, afin de composer une progression en adéquation avec les spécificités de leurs élèves.

 

INTERACTIONS

La notion d’interaction recouvre deux acceptions différentes :

– la première désigne une situation de communication, tout particulièrement orale. En invitant les élèves à interagir – entre eux ou avec le professeur, dans le cadre d’un débat, par exemple –, l’ambition est de permettre, par la circulation de la parole, la construction progressive d’une opinion, nourrie par une réflexion collective ;

– la seconde désigne une stratégie pédagogique.

Dans ce sens, l’interaction est une articulation entre les différents champs de compétences, tels qu’ils sont identifiés dans le programme, à la suite du préambule (cf. « Compétences travaillées »). Permettre à l’élève de mieux écrire, à partir de ce qu’il peut lire, l’amener à comprendre le fonctionnement de la langue à partir des occasions de s’exprimer à l’oral, ou prendre ce type d’activité comme point de départ pour acquérir des éléments de culture littéraire et artistique constituent autant de modalités d’interaction.

Ces acceptions reflètent au moins trois des ambitions qui ont donné au programme sa forme actuelle :

– la première ambition est de permettre aux élèves de construire leurs compétences en les appuyant les unes sur les autres – préoccupation à laquelle l’interdisciplinarité fait directement écho, dans la mesure où elle invite à construire des ponts entre les différentes disciplines ;

– la deuxième concerne les postures pédagogiques diverses qu’induit la variété des situations d’interaction verbale. Outre les débats qui peuvent prendre naissance pendant le cours « ordinaire », ces interactions peuvent avoir pour cadre les heures d’accompagnement personnalisé (AP) ou n’importe quelle situation d’évaluation orale – de la soutenance de rapport de stage à l’épreuve de DNB, par exemple, en passant par l’EPI, dont la réalisation finale peut aussi prendre la forme d’une performance orale ;

– enfin, la troisième ambition vise, sur ce même terrain, les compétences renvoyant à la fois à un savoir-faire (argumenter, illustrer son propos, s’exprimer correctement) et un savoir-être (écouter son interlocuteur, prendre en compte son opinion, modérer un propos). L’on touche ici, comme on le voit, à des problématiques qui, par-delà le cours de français, touchent celles dont les parcours sont porteurs, qu’il s’agisse du domaine artistique ou des valeurs de socialité et de respect mutuel.

 

LITTÉRATURES

En laissant aux enseignants plus de latitude dans leurs choix bibliographiques, le nouveau programme poursuit cette ouverture sur d’autres champs littéraires qui était déjà à l’œuvre. Au milieu des textes patrimoniaux, issus de la littérature française, francophone, étrangère ou gréco-latine, émergent désormais de nouvelles catégories. Plutôt que de les répertorier, observons les logiques auxquelles elles obéissent :

– la place jamais démentie de l’histoire des arts dans l’enseignement des lettres justifie les choix permettant de mettre en perspective texte et image. Aussi retrouvera-t-on mentionnés non seulement la bande dessinée, les portfolios, mais également les livres ayant fait l’objet d’adaptations cinématographiques fameuses, dont on peut aussi exploiter les photogrammes ;

– le succès de certains genres littéraires a fait venir à la lecture non seulement un public jeune, mais également de jeunes adultes. Tel est le cas de l’heroic fantasy ou du fantastique, auxquels on peut adjoindre l’ensemble riche et varié de la littérature de jeunesse ;

– outre le fait que ces genres présentent un réel intérêt tant sur le plan de l’écriture que sur celui de l’imaginaire, ils portent également, de manière métaphorique, un discours critique sur notre monde et, plus généralement, la modernité – tel est le cas de la littérature d’anticipation, utopique ou dystopique ;

– en dépassant le domaine, très codé, du récit autobiographique – romancé ou non –, l’écriture de soi a pu se ramifier et prendre des formes nouvelles, inédites. Tel est le sens de la place laissée à l’autoportrait, qu’il prenne la forme de la correspondance, de l’autofiction ou encore du journal intime en vidéo ;

– dans le même ordre d’idées, les « métamorphoses du livre » expliquent l’ouverture du corpus littéraire à toutes les productions numériques qui, par-delà leur diversité formelle, ne quittent jamais l’« archipel du texte », pour reprendre la belle expression d’Umberto Eco.

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