Jouer à enrichir son vocabulaire : sensations et sentiments

Testé en classe - 2 mai 2018 par Edith Wolf

Pour enrichir le vocabulaire, les exercices liés à des textes et les préparations à des travaux d’expression sont efficaces. Mais on peut aussi faire des mots les objets d’un jeu, d’une manipulation, qui aboutira à un travail d’écriture seulement dans un deuxième temps. Les thèmes des sensations et des sentiments se prêtent bien à ce type de travail, parce qu’ils renvoient à des expériences partagées par tous. De plus, les mots acquis permettront d’améliorer sensiblement la qualité des narrations écrites par les élèves.

Cet article présente plusieurs idées de jeux sur les mots. Pour toutes les activités proposées, le professeur commence par fournir des listes de mots, désignant des sensations ou des sentiments très nombreux, connus ou non des élèves. L’effet d’une « marée de mots » est le premier que l’on recherche avant de commencer à employer les termes appris. On les fait « mettre en bouche » grâce à diverses activités : lire à voix forte ou faible une série de mots choisis, lire à deux ou à trois une liste, murmurer, crier ou chanter des mots, se les dire à l’oreille en groupe, les associer à des gestes en se déplaçant dans la classe, prélever ses mots préférés et les noter (la préférence sera liée à la forme du mot autant qu’à sa signification). On fait ainsi noter une vingtaine de mots liés à des sensations.

Mille mots pour dire les sensations

  1. Jouer en partant des mots : mises en situation
  • On met un objet dans un sac. Un élève doit, en s’aidant de certains des mots découverts, décrire les sensations tactiles qu’il éprouve sans nommer l’objet (même s’il l’a reconnu). Le reste de la classe doit deviner quel est l’objet.
  • On apporte des éléments odoriférants comme un savon, un sachet d’épices, une plante aromatique, une boite de cirage… et on fait décrire l’odeur le plus précisément possible, même sans mentionner le nom de l’élément. Les mots employés peuvent être des verbes (« ça pique », « ça chatouille les narines ») des adjectifs descriptifs (« odeur sucrée, piquante, poivrée, forte, puissante »). On peut donner aussi des jugements (« agréable » ou « désagréable »).
  • De même, on fait entendre des sons (bruits d’objets remués, d’objets sonores, enregistrements) et on demande de les décrire. L’élève pourra nommer ou pas l’objet, s’il l’a reconnu.
  • Chaque élève fait la description d’un objet qu’il a dans ses affaires ou dans sa chambre par des notations visuelles, sonores, tactiles, sans le nommer, pour faire deviner de quoi il parle.
  1. Jouer en partant des mots : listes et devinettes

On donne une liste d’adjectifs désignant des sensations tactiles : « lisse », « rugueux », « rêche », « gras », « sec », « piquant », « doux », « soyeux », « velouté », « collant », « souple », « frais », « froid », « tiède », « chaud ».

  • Un élève pose une question commençant par « Qu’est-ce qui est… » (lisse, rugueux, rêche, etc.) et chacun cherche une chose à laquelle on peut appliquer l’adjectif.
  • On propose le même jeu avec des adjectifs décrivant des sensations olfactives : « sucré », « frais », « poivré », « capiteux », « floral », « mentholé », « douceâtre », « écœurant », « âcre », « rance », « suffocant », « tenace », « subtil », « délicat ».
  • Pour aborder le sens de la vue, on peut poser à la classe la question : « qu’est-ce qu’on découvre, contemple, épie, admire, fixe, toise, surveille, observe, scrute, détaille ? »
  • On demande de nommer deux éléments qui, au sens propre ou au sens figuré, « sonnent », « mugissent », « murmurent », « frappent », « grognent », « hurlent », « grincent », « crient », « claquent ».
  • On fait citer des aliments qui sont, au goût, « sucrés », « salés », « amers », « acides », « fades », « piquants », « doux », « aromatisés », « vinaigrés », « rances »…
  1. Parler ou écrire en partant des sensations
  • On fait décrire deux sensations fortes. On demande à chacun de se rappeler le souvenir d’une sensation forte, plaisante ou déplaisante sans trop réfléchir et de l’écrire par des notations, et non par des phrases.

On peut demander deux types d’écrit :

– un texte de forme poétique, sous forme de notations ponctuelles, enrichies de mots pris dans les listes et de comparaisons ;

– une réécriture de type narratif, avec des phrases complètes.

  • On peut faire décrire oralement les sensations liées à un plat aimé ou un plat détesté (vision, odorat, goût).
  • On peut faire décrire les sensations et les rêveries liées à un objet. Pour donner un exemple, le professeur peut lire à haute voix ce texte de Hugo von Hofmannsthal, où une petite fille rêve sur une pomme d’or :

À ce moment le vent fit doucement remuer le rideau de la porte, et l’enfant eut l’impression que dans un souffle ailé, à peine perceptible, l’arôme de la pomme d’or volait jusqu’à elle. Il s’agissait d’une vraie pomme en or que son père avait offerte à sa mère bien des années auparavant, en revenant d’un grand voyage qu’il avait fait au loin. L’intérieur en était rempli par un fin feuillage d’or qui se ramifiait à l’infini, et au sein duquel il flottait un parfum indéfinissable, qui ne rappelait rien de connu. Cette pomme, l’enfant ne l’avait pas vue souvent au cours de son existence, et uniquement à la lueur incertaine d’une bougie, quand sa mère tirait le fruit des profondeurs du coffre sombre pour l’y renfermer aussitôt. Mais chaque fois, avec un nuage de cet indéfinissable parfum auquel le temps n’enlevait rien de sa puissance, se déposait dans l’âme de la fillette un rêve fabuleux.

(Hugo von Hofmannsthal, « La pomme d’or », in Andreas et autres récits,  traduit de l’allemand par Eugène Badoux et Magda Michel.)

  • On peut faire raconter, puis écrire un moment nocturne agréable ou désagréable (vision, bruit, contact, odeurs).
  • On peut faire décrire une station-service en employant uniquement des sensations visuelles, auditives, olfactives.
  • On peut faire raconter un rêve ou une partie d’un rêve contenant une sensation forte.
  • L’élève peut imaginer qu’il ou elle vole comme un oiseau au-dessus d’une ville ou de la mer, noter en vrac les sensations éprouvées, puis décrire par écrit ces sensations.

Des sensations aux sentiments

  • On peut faire écrire des textes fantaisistes avec les expressions : « avoir une peur bleue », « rire jaune », « être vert de peur », « se fâcher tout rouge », « être dans une colère noire », « être blanc comme un linge », « voir la vie en rose », « faire grise mine », « avoir le cœur léger/lourd/gros », « avoir la gorge serrée », « la moutarde qui monte au nez », « baigner/nager dans la joie ».
  • On peut montrer le langage du corps dans la colère, la peur, le sentiment amoureux. L’élève doit dire à quels sentiments peuvent correspondre ces « symptômes » : les paumes moites, la pâleur, la rougeur, le tremblement, la gorge serrée, le fait de claquer des dents, l’envie de sauter en l’air, de courir, l’impossibilité de bouger, les jambes en coton.
  • On peut faire jouer des sentiments dans des improvisations muettes.
  • On peut donner des listes des verbes de sentiment, des noms et des adjectifs, et les faire classer approximativement du moins fort au plus fort : « appréhender », « éprouver de l’inquiétude », « craindre », « avoir peur », « terroriser/être terrorisé », « épouvanter/être épouvanté », « paniquer » ; « tranquillité », « satisfaction », « contentement », « joie », « bonheur », « félicité » ; « troublé », « surpris », « étonné », « épaté », « stupéfait », « ébahi », « frappé », « stupéfait », « interloqué », « abasourdi », « estomaqué », « médusé ».
  • On peut jouer avec un mot polysémique : « aimer ». L’élève constitue une liste de mots en la commençant par « J’aime ». La liste doit être la plus hétéroclite possible.
  • On peut faire dessiner des allégories de sentiments avec un ou deux modèles, comme ceux-ci :
    Allégorie de la Colère, statue classique : un petit homme nu, de trois quarts dos, le visage grimaçant
    Allégorie de la Colère, galerie des Glaces du château de Versailles.
    Allégorie de la Tranquillité, gravure en noir et blanc : une grande femme en costume antique, au visage paisible, tenant un violoncelle.
    Champagne, Allégorie de la Tranquillité : « Heureuse est la concorde de l’esprit et des sentiments », gravé par Mariette.

     

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